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La traite atlantique et l'esclavage

Quel rôle Nantes a joué dans l’Europe négrière, comment s’organise une campagne de traite, qui sont les armateurs et négociants à l’origine de ce commerce, comment se déroulent la vente des esclaves et leur vie dans les plantations ?

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Carte du continent américain en 1740 –Jean-Baptiste Nolin

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Le commerce colonial

Les premières colonies françaises d’Amérique apparaissent au 17e siècle.

Les Pays-Bas, l’Angleterre, la France, l’Espagne et le Portugal se répartissent alors des territoires plus ou moins récemment découverts.

Sur place, les modalités d’exploitation se structurent. Le système de la plantation se développe ainsi que de nouvelles logiques économiques.

Le besoin en main d’œuvre devient de plus en plus important. Les « engagés blancs » ne peuvent combler à eux seuls la demande. La traite atlantique[1] est donc vue comme une solution.

Au 18e, la France affirme son rang de grande puissance coloniale. Juste après l’Angleterre, elle devient, la deuxième puissance commerciale européenne et le deuxième pays d’Europe engagé dans le commerce des êtres humains.


[1] La traite atlantique consiste à déplacer par la force des populations du continent africain vers le continent américain. L’enrichissement vient de leur vente auprès des colons et de celle des produits obtenus grâce à leur travail dans les colonies (sucre, café…). On parle de « traite atlantique » lorsque les navires partent d’Europe vers le continent africain (pour acheter les captifs contre des produits européens) puis une fois les cales chargées de captifs se dirigent vers le continent américain. Les captifs sont vendus dans les colonies contre des produits exotiques destinés à la vente en Europe. Le « commerce en droiture » ne pratique pas la traite des personnes mises en esclavage. Il se fait directement entre Europe et Amérique.

Vue du Cap Français et du Navire. La Marie Séraphique de Nantes, capitaine Gaugy, le jour de l’ouverture de sa vente, troisième voyage d’Angole, 1772-1773

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Saint-Domingue (actuel Haïti)

Découverte par Christophe Colomb en 1492, l’île d’Hispaniola est d’abord sous domination espagnole. Mais peu à peu la présence française s’affirme dans la partie occidentale de l’île. En 1697, par le traité de Ryswick, la France obtient cette partie de l’île et la colonie française s’établit. Du fait de sa productivité sucrière exceptionnelle, l’île devient d’ailleurs la principale colonie française. Elle est surnommée, la « perle des Antilles ». Ce sera aussi la destination de la plupart des armateurs de navires de traite nantais au 18e et le lieu privilégié de leur installation.

Le port de Paimbœuf, vue du rivage contigu dans la partie de l’est Nicolas Ozanne (1776) – Fonds musée des Salorges

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La place du port de Nantes et de l’arrière-pays nantais

Le port de Nantes connait une activité sans précédent au 18e siècle. De par son positionnement sur la façade atlantique et sa connexion par la Loire avec l’arrière-pays jusque Paris, il concentre un nombre important d’armateurs et de négociants français et étrangers.

Très impliqué dans la traite atlantique dès le début du 18e siècle, Nantes devient rapidement le premier port de traite de France et avec l’appui de la monarchie, l’un des principaux ports de commerce du royaume.

Cependant, le lit de la Loire en aval du fleuve devenant de moins en moins navigable pour des navires de fort tonnage, des ports comme Mindin, Paimboeuf ou encore Couëron en profitent pour devenir les ports de départ ou d’arrivées de ces imposants navires. Dans le même temps, ils augmentent les voyages en gabares à fond plat pour transporter les cargaisons de ces navires jusqu’au cœur de la ville de Nantes.

Plan, profil et distribution du navire La Marie Séraphique de Nantes, armé par Mr Gruel, pour Angole, sous le commandement de Gaugy, qui a traité à Loangue, dont la vue est cy-dessous la quantité de 307 captifs (…)

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Nantes premier port français de traite des êtres humains

Entre le 16e et le 19e siècle la plupart des pays européens participent de près (armement des bateaux) ou de loin (financement ou filiales commerciales dans les grands ports européens ou fourniture de l’équipage) au commerce de la traite. Toutefois certains pays et villes portuaires en tirent de plus grands bénéfices. C’est le cas de la France et en particulier de Nantes surtout à partir de 1716, quand comme, Bordeaux, Rouen et La Rochelle elle obtient le droit de s’y livrer officiellement (droit jusque-là réservé aux compagnies de commerce à monopole comme la compagnie des Indes).

Nantes va devenir le premier port français des êtres humains en assurant plus de 42% des départs d’expéditions de traite entre 1707 et 1793.

Des familles d’armateurs se spécialisent dans ce commerce tout comme de nombreuses activités économiques de la ville et de la région.

Portraits du négociant et armateur Dominique Deurbroucq, de son épouse Marguerite Deurbroucq née Sengstack, et de deux personnes mises en esclavage, par le peintre dijonnais Pierre-Bernard Morlot (1753).

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Les négociants nantais

Grâce à la prospérité du port de Nantes, une importante communauté marchande se développe et règne sur l’activité du port. Il s’agit d’une bourgeoisie aisée ayant largement tiré profit du commerce de la traite des êtres humains et du commerce colonial. Elle affiche sa richesse en construisant des hôtels particuliers luxueux le long de la Loire notamment sur l’île Feydeau et le quai de la Fosse.

A l’intérieur des logements des négociants, des objets évoquent encore leur fortune : meubles et objets en « bois des îles »[1], porcelaine de chine ramenés par la Compagnie des Indes, toiles imprimées aux motifs exotiques. Des éléments de décor associés à « ces messieurs du négoce nantais ».


[1] Acajou

A noter :
Ces deux tableaux ou « pendants », représentant Dominique et Marguerite Deurbroucq, appartiennent au type de portraits de notables européens se faisant représenter dans le cadre domestique en compagnie de personnes mises en esclavage à leur service. Pour l’homme, il s’agit souvent d’affirmer son appartenance sociale, sa réussite et son mode de vie « moderne ».
[NB : L’existence des deux personnes mises en esclavage ici représentées ne peut-être attestée à ce jour, puisqu’aucune déclaration d' »esclave » émanant du ménage n’a été retrouvée].

Dessin des indiennes de traite, Favre, Petitpierre et Compagnie, à Nantes.

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Les toiles imprimées et la pacotille

Les toiles imprimées peuvent représenter à elles seules jusque 80% de la cargaison de départ d’un navire de traite.

Entre 1686 et 1757 pour ne pas nuire à la production traditionnelle de laine, de lin et de soie, cette activité lucrative ainsi que les importations sont interdites en France favorisant l’achat à l’étranger (Hollande, Angleterre et Suisse) ou encore la fabrication clandestine.La prohibition est levée en 1759 entrainant l’installation à Nantes de nombreuses manufactures de toiles imprimées. Parmi ces dernières on peut citer : Gorgerat, Petitpierre, Favre, Pelloutier, Kuster, Bourcard, Roques et Simon.


À retenir :
Une confusion sur le sens du mot pacotille a laissé entendre que les personnes mises en esclavage pouvaient être achetées contre des objets de peu de valeur. Or il n’en est rien. Une personne mise en esclavage avait une grande valeur aux yeux des négociateurs de la traite. Seules des armes, des outils, des métaux, du tissu… pouvait permettre la conclusion du marché.
Pour ce qui est de la pacotille, elle désignait la part donnée aux officiers à leur retour d’une campagne de traite. Elle pouvait se concevoir sous la forme d’un être humain mis en esclavage, nommé « nègre de pacotille » dans les documents d’archives.

Les contradictions de la Révolution :
« Portrait d’un jeune homme mis en esclavage, portant un habit républicain ». Attribué à Joseph II Brêche vers 1793. Il faut attendre la loi du 16 pluviôse an II (4 février 1794) pour que la République accorde la liberté pleine et entière aux personnes mises en esclavage.

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L’abolition de la traite et de l’esclavage, un long cheminement

En février 1794, la convention nationale décide d’abolir l’esclavage dans les colonies françaises et d’accorder la citoyenneté aux hommes sans distinction de couleur. Les députés du commerce de Nantes envoient à la Convention une délégation pour exprimer leur opposition à l’arrêt de la traite. Selon eux, la survie économique du port impose le maintien de ce trafic. Nantes ne fait donc pas à cette époque figure de ville abolitionniste.

Ce sera encore le cas en ce qui concerne la pratique de la « traite illégale », c’est à dire la traite pratiquée hors la loi sous les deux restaurations et la Monarchie de Juillet. Durant cette période, Nantes pratiquera encore la traite, en retrouvant même sa place de premier port français de traite entre 1814 et 1831 et en armant 318 navires sur la période assurant 70 % des expéditions de traite atlantique.

En 1831, par le biais d’une troisième et dernière loi, la France interdit définitivement la traite des êtres humains et acte la fin de l’esclavage le 27 avril 1848 avec la signature du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.