Table à jeu de tric trac, 18e siècle
Une rare table à jeux du 18e siècle, typique du mobilier nantais, vient de rejoindre les collections du musée d’histoire de Nantes.
Elle est réalisée en acajou, « bois des îles » provenant de Cuba, de Saint-Domingue ou de Guyane. L’usage de ce matériau est caractéristique du mobilier de port produit dans les grandes villes françaises de la façade atlantique au 18e siècle. Les contours du meuble, et notamment les ondulations de la ceinture et la courbure des pieds se terminant « en bigorneaux », l’inscrivent dans une production nantaise. Le plateau amovible est d’un côté en acajou brut et de l’autre en acajou incrusté de carrés d’érable pour former un échiquier. Une fois retiré, ce plateau révèle un jeu de « tric trac », inspiré du backgammon et très à la mode en France au 18e siècle.
Cette table a intégré la salle 14 du musée, dans une nouvelle présentation des collections témoignant des intérieurs des marchands nantais enrichis par la traite atlantique et le commerce colonial au 18e siècle. Le décor des luxueux hôtels particuliers édifiés en ville à cette époque évoque parfois l’origine de cette fortune, et en premier lieu, les meubles en bois précieux issus des plantations coloniales.
Les arts décoratifs ont une place centrale dans l’histoire des musées implantés au château des ducs de Bretagne. Le premier musée à prendre place en ces lieux, il y a cent ans exactement, est le musée des Arts décoratifs. Une Exposition d’Art Ancien est proposée aux visiteurs dès son inauguration en mai 1924. Des objets d’art « d’une beauté supérieure et du goût le plus raffiné » sont disposés par époque, dans une volonté claire d’éducation du regard. Parmi ceux-ci, déjà, une table à jeux est présentée dans la salle consacrée au 18e siècle.
Carte postale imprimée par A. Tainon
© Château des ducs de Bretagne – Musée d’histoire de Nantes
Ainsi, à un siècle d’intervalle, le musée expose des objets similaires mais dans une perspective tout à fait différente. À la volonté pédagogique du premier musée, qui propose des objets d’exception témoignant de l’évolution des styles, se substitue aujourd’hui la nécessaire re-contextualisation de ces mêmes objets.
Le séduisant raffinement du quotidien, sensible tant dans la forme des meubles que dans leur usage lié aux loisirs, ne doit pas faire oublier que cet embellissement des grandes demeures nantaises du 18e siècle trouve son financement dans les profits du commerce atlantique et de l’esclavage colonial.